C’est toujours douloureux d’abandonner un livre, c’est comme un échec, comme une rencontre pleine de promesses qui finalement n’a pas lieu.
Et l’échec est encore plus cuisant quand vous lisez ce livre en « Lecture Commune » et que les autres ont – pour la plupart – terminé et apprécié leur lecture.
Je vais tenter de justifier cet échec. Aucune envie pour moi de passer pour prétentieuse ou condescendante mais je pense être effectivement sensible – de part mon métier et mon parcours – à certaines petites choses qui m’exaspèrent. Enfin, dernière remarque : cette critique ne va pas – par conséquent – être forcément très être agréable à lire …
J’ai voulu lire La coupure de Fiona Barton en commun avec les camarades avec lesquelles j’avais découvert l’excellent Mme Einstein de Marie Benedict. Le polar n’est pas mon genre de prédilection, j’ai malgré tout eu à plusieurs reprises l’occasion de m’y confronter notamment à travers les excellents ouvrages du toulousain Stéphane Furlan et entre autre sa Ville rose sang.
Ce qui m’a complètement braquée chez Fiona Barton et ce, dès les premières pages c’est le style quasi inexistant de sa prose. J’ai trouvé ça plat, sans qualité, fade et passablement maladroit. (Je vous l’ai dit que ça n’allait pas être agréable …)
Les dialogues sont catapultés avec banalité, sans forme, si bien que j’ai eu à plusieurs reprises l’impression de lire un script d’AB production. Les descriptions insignifiantes ne m’ont pas permis de me projeter dans quelque univers et ça m’a vite frustrée.
Ce que je reproche surtout à l’auteur c’est que l’écriture manque cruellement de travail, si bien que les lourdeurs jonchent le texte et les maladresses sont nombreuses, j’ai tenté de les mettre en évidence dans ces quelques phrases :
« A cause de mes jambes en coton, le trajet pour rejoindre le métro me paraît deux fois plus long qu’à l’aller. »
(On est ici au tout tout début d’un chapitre, je trouve que l’image des jambes en coton mises en apposition est maladroite et manque de subtilité.)
« Dans un état d’ahurissement total, je laisse le métro m’emporter. Entre les stations, je peux distinguer mon reflet dans la vitre en face de moi. »
( > La vitre me renvoie mon reflet entre chaque station. La rédaction est lourde.)
« Elle offrit un sourire contrit à Angela et à Joe au cas où ils auraient entendu. »
( > Elle adressa un sourire contrit à Joe et Angela, peut-être avaient-il entendu … Pourquoi la préposition est-elle répétée ? La locution “au cas où” encombre considérablement la phrase.)
« La route qui s’ouvrait devant elle serait longue. »
(Je trouve l’emploi du conditionnel maladroit ici. Pareil pour l’imparfait d’ailleurs …)
« Kate s’approcha d’Angela et la soutint par le bras pour l’aider à traverser le site jonché d’ornières. Joe les suivit en portant le sac à main d’Angela. »
( > le sac d’Angela à la main… Ici, l’emploi est du gérondif alourdit franchement la phrase, c’est presque ironique, l’auteur évoquant ici un sac … Dommage, le début à propos des ornières était plutôt bon.)
Je ne sais pas si c’est parce que j’ai l’habitude de lire et de corriger des copies d’élèves mais, honnêtement, certains de mes lycéens n’ont aucun complexe à avoir … Les trois derniers extraits étant issus de la même page, vous comprenez bien que les 500 feuillets qui composent l’ouvrage m’ont semblé juste inabordables.
Il aurait fallu peut être que je m’accroche à l’intrique mais celle-ci est tellement longue à s’installer que je n’ai pas pu me rattacher à quoi que ce soit pour me poser dans ce livre.
Non, vraiment, je ne saurai jamais si le style est ici celui de l’auteure ou de la traductrice (et je pense sincèrement que la traduction y est pour quelque chose) mais pour moi, la qualité de la langue a franchement été rédhibitoire.
Alors, doit-on culpabiliser d’abandonner un livre ? Personnellement, au regard des justifications que je viens de fournir, non, je ne regrette pas d’avoir abandonné celui-ci parce que mes raisons me semblent vraiment légitimes. Ceci dit, il y a parfois des ouvrages plus exigeants dans lesquels je ne rentre pas et ça me fend le cœur. C’est comme si l’auteur et moi étions restés étrangers … Je dirais cependant que je culpabilise moins qu’avant. Il y a quelques années, abandonner un livre était un véritable échec ; aujourd’hui, je relativise et me dis que je le reprendrai sûrement une autre fois. Enfin, là, pour La coupure, peut-être pas …
Vous est-il déjà arrivé de culpabiliser de ne pas terminer un ouvrage ?
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