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Orgueil, jalousie, manigance mais aussi engagement, volonté, force … Les personnages de Blackwater sont des êtres puissants qui portent une intrigue resserrée et dense.

Après un premier tome qui m’a fait douter de la pertinence du reste, le deuxième a confirmé, de part un rythme soutenu et une intrique prenante, un réel enthousiasme.

On lit Blackwater avec plaisir.

L’intérêt de l’œuvre tient tout d’abord grâce aux tensions entre les personnages soumis à leurs intérêts et leur orgueil, leur volonté de vengeance, le tout parsemé d’un soupçon de mystère incarné par l’énigmatique Elinor. En tant que lecteur, nous observons cette famille évoluer tel un spectateur-voyeur se délectant de ces tensions familiales que l’on regarde discrètement comme un spectacle.

Cette histoire longue de six ouvrages prend place dans des livres aux couvertures particulièrement soignées que l’on observe longuement avant même de tourner la première page. Ces objets absolument superbes participent et entretiennent la fascination que l’on nourrit pour l’intrigue.

Michael McDowell propose une saga familiale particulièrement féminine, au point que je me suis demandée – à la lecture du premier tome – s’il ne proposait pas là une satire prématurée des Desesparate Housewifes soumise à leurs volontés insatiables de commérages. Le rapport entre les personnages prend cependant davantage de hauteur dans les tomes suivants. A ce propos, le rapport mère-fille est succulent. Certains personnages pris à leur propre piège sont confrontés aux réflexions revanchardes des autres, le rythme imposé par les dialogues est jubilatoire, l’effet punchline est jouissif. Les femmes qui peuplent Blackwater sont indépendantes, libres, cheffes de clan, cheffes d’entreprise, leurs ambitions, leur force mais aussi leurs faiblesses relèguent clairement les hommes en second plan.

Aussi, les enfants qui prennent place dans l’intrique et donnent de l’épaisseur à l’histoire sont les protagonistes des tomes suivants. L’auteur installe à travers eux les ressorts et traits narratifs à venir. Les enfants génèrent les rapports de force entre les différents membres de la famille, ils servent de monnaie d’échange, ils se font adopter par les unes et les autres selon des arrangements particuliers qui nourrissent les relations ; chacun de leurs parcours construit une trame familiale totale. La psychologie des personnages est, par conséquent, très développée. Chacun a sa propre personnalité, crée son destin singulier, cela donne de l’épaisseur à l’intrigue de manière très efficace si bien que l’on s’attache à chacun d’eux.

Ce qui caractérise finalement la famille Caskey au-delà de ses tensions et de ses rapports parfois conflictuels c’est l’attachement. Partir est une faute, rester est une souffrance. Le rapport parent-enfant est sensible. Cela semble être presque une règle, une condition. L’enfant ne doit pas partir au risque de décevoir, de passer pour quelqu’un d’infidèle, de déloyal, si bien, que souvent, il revient. Les personnages et notamment les femmes sont confrontées parfois violemment à la manière dont elles élèvent leur enfants. Ceux-ci devenus adultes reviennent – ou pas – vers la famille comme un repère ou un repaire. La force du clan n’en est que décuplé.

Pour finir, la nature offre un cadre à la fois sauvage et mystique à l’ensemble, la Perdido semble avoir sa conscience propre, je l’ai vraiment considérée comme un personnage à part entière à la fois sauvage et indomptable.

Cette histoire presque écrite en huis-clos – entre les trois ou quatre maisons de Perdido – renferme finalement beaucoup de profondeur et d’intelligence. Chacun des personnages est à la fois bon et mauvais, chacun-e est capable du meilleur comme du pire ce qui tient en haleine un lecteur qui se laisse porter par les flots de cette saga fascinante emprunte de mystère.