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J’aime les livres écrits au XVIII et qui font (et qui feront) toujours écho aujourd’hui (et dans les décennies à venir).

Les Lettres persanes est un roman épistolaire. Cette particularité attire déjà toute mon attention car elle met doublement à l’honneur l’Ecriture : celle du roman écrit par l’écrivain et celle des lettres rédigées par les personnages.

Ces lettres, correspondances intimes, mettent en place comme une double énonciation, Rica parle à Usbek – et inversement – mais s’adresse également au lecteur. Montesquieu nous donne à lire ses pensées par la main des personnages qu’il créé. Et en tant que lectrice, je ne peux m’empêcher de tenir comme une place d’indiscrète, de voyeuse, d’espionne plongée au cœur d’intrigues, d’histoires confidentielles.

Montesquieu critique entre autre la religion, le despotisme, le patriarcat, le pouvoir des “princes” subtilement instillés dans une argumentation indirecte lettre après lettre, échappant ainsi à la censure de l’époque … Les Lettres persanes est à la fois un roman philosophique, éloquent, narratif qui prend position, qui parle d’amour, qui raconte une histoire.

Dans cet ouvrage, le voyage est un prétexte à l’apprentissage, à l’analyse, à l’interrogation. Les personnages sont confrontés à des mœurs différentes des leurs, on partage leurs points de vue (ou pas). On s’imagine les voir changer, évoluer page après page, se perdre aussi … jusqu’à la toute fin profondément romanesque voire tragique.

La langue du XVIII n’est pas toujours facile d’accès, mais propose une lecture singulière, enrichissante et surprenante à plus d’un titre. J’ai été particulièrement surprise justement par les ultimes décisions d’Usbek qui, certes brillant, ne semble pas pleinement apprendre de ce qu’il constate. Et c’est sans doute là l’ultime leçon de Montesquieu au terme de cette lecture : il n’est pas si évident d’intégrer et d’appliquer avec rigueur ce que l’on observe et analyse avec talent.