Sélectionner une page

L’Assassin Royal est une série d’ouvrages très divertissants, bienvenus en période hivernale pour accompagner une éventuelle déprime saisonnière. J’ai passé d’excellents moments dans la lecture de cette saga réputée ; notamment dans le 3è tome qui restera pour moi le meilleur de la série car il est très politique, il met en évidence des rapports de force qui donnent du corps à l’intrigue. Mon avis complet est cependant plus nuancé.

Les personnages sont nombreux, complémentaires, plutôt bien construits et crédibles. Les femmes ont particulièrement retenu mon attention de part leur caractère, je pense notamment à Kettricken qui m’a beaucoup plu de bout en bout. Oeil-de-Nuit a vraiment été, aussi, de part sa fidélité et son courage, un très bon compagnon de lecture. J’émets une petite réserve sur Fitz, le narrateur dont on suit l’apprentissage et qui peine tellement à réussir ce qu’il entreprend qu’il inspire davantage de pitié que d’admiration. Comme il prend la place du narrateur tout au long de l’intrigue, on ressent le besoin de le secouer souvent, il exaspère vraiment, parfois. (La fin de ce paragraphe « spoile » un peu, passez au paragraphe suivant si vous souhaitez garder tous les tenants de l’intrigue). C’est un bâtard, il est le fils illégitime d’un prince. Il est assassin au service du roi mais sans vraiment parvenir à tuer. Il devient scribe mais il ne réalise pas d’enluminures. Il est amoureux d’une femme qu’il ne parviendra pas à garder. Il apprend à exercer l’Art mais en ne parvenant à le maîtriser que très très tard. Il consomme de l’écorce elfique sans savoir que cela fragilise sa magie qu’il ne connaît finalement que très mal. Il n’y a que le Vif qu’il contrôle parfaitement mais c’est un pouvoir méprisé voire condamné qu’il doit donc cacher. Bref, un personnage loin d’être héroïque à mon sens qui n’aboutit pas vraiment ce qu’il entreprend à part peut-être dans les toutes dernières pages. Il est imparfait ce qui le rend profondément humain, certes, ce n’est pas négatif mais ça en fait un personnage qui n’est pas, pour moi, pleinement achevé. Il subit beaucoup ce qui lui arrive sans pouvoir être pleinement indépendant jusqu’à la toute fin.

Par ailleurs, dans l’écriture cette fois, le principal soucis que j’ai eu avec cette série d’ouvrages est le nombre incalculable de répétitions qui les parcourent. Et c’est vraiment dommage car le style est très visuel et très efficace. Le rythme imposé par Robin Hobb est souvent juste – généralement lent, parfois plus rapide, mais les trop nombreuses répétitions m’ont vraiment gâché la lecture notamment dans les deux derniers tomes, j’y reviendrai. Je n’ai pas osé compter l’expression « l’espace d’un instant » qui doit apparaître trois fois par chapitre, toujours, toujours placée en début de phrase ou encore « il éclata d’un rire bref semblable à un aboiement » que l’on retrouve une bonne quinzaine de fois. Cela surcharge, accroche la lecture au point d’agacer, de frustrer et finalement de décevoir parce qu’on finit par ne plus voir que ça. La langue française (et anglaise sans aucun doute !) est suffisamment riche pour proposer des synonymes, des reformulations, des périphrases, des métaphores afin d’éviter toutes ces redondances qui donnent comme une impression d’un manque de relecture et donc de soin.

Peut-être s’agit-il d’un problème de traduction, n’ayant pas eu le texte en version originale sous les yeux, je ne sais pas ; mais de telles répétitions à un tel niveau d’édition est, pour moi, difficilement acceptable. Une lecture aussi divertissante soit-elle ne peut pas faire l’impasse sur la qualité de la rédaction. C’est un point qui me déçoit beaucoup parce que j’ai parfois vraiment frôlé l’abandon alors que l’intrigue en elle-même me plaisait … Ou peut-être est-ce moi qui suis trop exigeante ou trop formatée à corriger …

Enfin, les tomes 6 et 7 révèlent une lenteur impressionnante. La quête de Fitz s’éternise, s’allonge au point de lasser et comme avec l’incontestable Harry Potter j’ai l’impression que le dernier tome est celui de trop – surtout qu’ici, dans l’Assassin Royal le tome 6 propose une vraie fin, en réalité. On a comme l’impression d’assister à la peine des auteurs (autrices ici en l’occurrence) à faire avancer leurs intrigues, à apporter suffisamment de contenu pour tenir ou finir, bref … à remplir du papier. C’est dommage.

Ceci dit, et après toutes ces réserves, l’Assassin Royal renferme à la fois toutes les caractéristiques du bon roman d’aventures et d’un bon roman d’apprentissage aux rebondissements variés et dynamiques le tout emprunt d’une magie difficile à dompter ce qui en fait, dans l’ensemble, une série plaisante à découvrir et qui mérite sans aucun doute son succès. Je ne regrette pas de l’avoir lu, et j’ai pris globalement beaucoup de plaisir.

Pour ma part, ce ne peut pas être pleinement un coup de cœur, je me suis vraiment braquée sur la rédaction – et c’est sans doute de ma faute – et je me rends compte que j’y suis de plus en plus sensible au fil de mes pérégrinations littéraires ; j’hésite donc à me lancer dans les Aventuriers de la mer ; nous verrons …