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Lire Voltaire et se dire que rien n’a changé …

François-Marie Arouet nous propose deux contes philosophiques d’une étonnante modernité. Les histoires semblent très puériles au premier abord mettant en scène des personnages simples voire simplets qui se confrontent à la vie avec naïveté … Voltaire fait justement de l’Ingénu un personnage sans éducation et le rend ainsi dépourvu de préjugés, dépourvu d’idées préconçues, c’est assez habile car cela permet à l’auteur d’en faire, d’en construire exactement ce qu’il veut égratignant sans doute au passage les maladresses de l’éducation.

Nous avons donc affaire à des personnages objectifs ou en tout cas qui tendent à l’être et qui prennent les événements avec beaucoup de philosophie. Voltaire nous sert donc ses réflexions à travers une intrigue originale et des personnages singuliers.

Je trouve ces textes très contemporains car ils abordent des sujets universels qui fondent les sociétés dans lesquelles nous vivons tous : l’éducation, la religion, la guerre, la justice en nous les faisant voir à travers un point de vue forcément enrichissant. J’ai trouvé l’Ingénu touchant dans son interprétation de l’ancien testament dont il compare le contenu aux coutumes imposées par la religion. Voltaire se permet là un regard critique entre le texte sur lequel s’appuie les hommes et ce que la société en fait. C’est très audacieux.

J’ai été aussi particulièrement touchée par le destin de la belle Saint-Yves qui cède aux avances d’un homme pour libérer celui qu’elle aime et qui en meurt de culpabilité. Elle représente dans toute sa sagesse et sa vertu l’ensemble des femmes responsables, condamnées à avoir un corps susceptible d’être au service des volontés viriles ; outil, instrument, accessoire de tous les fantasmes et de toutes les convoitises …

Cet ouvrage dresse un réel constat de ce qu’est la nature humaine pour Voltaire et ses contemporains du XVIII. Je ne peux qu’observer malheureusement qu’il fait encore terriblement écho à ce que nous vivons de nos jours et que nous ne sommes pas bien différents du portrait qu’il nous est fait. Et c’est là toute la force de ces textes qui sont désormais des classiques, c’est qu’ils continuent de faire réfléchir l’Humain sur sa condition. Ça bouscule, ça exaspère, ça indigne aussi …